Interview David Bourgeois – Moulins Bourgeois

Pas de farine… pas de pain !

 

LesHabitués, partenaire des commerçants de proximité, et donc, des boulangers, part à la rencontre de la profession de meunier, maillon essentiel de la chaîne de fabrication du pain. Métier ancestral, profession en mutation, histoire de transmission familiale… Nous avons interviewé David Bourgeois, qui depuis 2005, dirige, avec son frère Julien, les Moulins Bourgeois. Depuis 1895 lorsque Léon Bourgeois et ses frères ont acquis le moulin de Couargis, situé à 2 kms du Moulin actuel, l’activité est menée de génération en génération pour un développement continu et harmonieux.

 

Zoom sur la profession de meunier au travers de l’interview de David Bourgeois :

 

Quelles différences entre le meunier de 1895 et celui d’aujourd’hui ? 

 

David Bourgeois : Une seule chose demeure et elle est bien sûr essentielle : si les machines ont évolué, on produit la farine par écrasement sur meule de pierre ou par mouture sur cylindres en 2017 comme en 1895. Pour le reste, tout a changé.

15 000 meuniers à la fin du 19ème siècle, environ 350 encore aujourd’hui le paysage de la meunerie s’est transformé dans une France qui était alors majoritairement rurale et « panivore ». (900g. de pain par jour et par personne contre à peu près 130 g. aujourd’hui.)

La pénibilité des tâches s’est également considérablement réduite. Sacs de grains ou de farine, les hommes portaient des charges de 100 kilos ou 70 kilos alors qu’elles ne doivent pas excéder 25 kilos aujourd’hui.

Enfin, à la fin du 19ème siècle le meunier était dans le meilleur des cas un « fabricant /marchand de farines » alors que son activité s’est désormais développée en termes de services (accompagnement personnalisé des boulangers, aide à l’installation, formation, assistance technique, élaboration de nouvelles recettes et de produits pour ses clients.)

Pour ce qui est des Moulins Bourgeois, notre métier n’a cessé d’évoluer vers une relation de partenariat avec nos clients.

 

Quelle est l’histoire des Moulins Bourgeois que vous dirigez aujourd’hui avec votre frère Julien ? 

 

David Bourgeois : Une histoire de transmission ! Avoir su se transmettre de génération en génération une entreprise qui demeure familiale repose sur des qualités simples liées au travail, mais également à la confiance de ceux qui nous ont précédés. C’est dans cet esprit que mon frère Julien et moi-même avons pris le relais pour diriger et développer l’entreprise depuis 2005.

Une histoire de fidélité. La boulangerie artisanale est depuis toujours le cœur de notre stratégie. Cette fidélité, les artisans nous la rendent bien, parce que nous la nourrissons par une exigence de qualité pour nos produits et nos services que nous avons beaucoup développé.

Une volonté d’aller de l’avant. Notre état d’esprit, c’est de considérer que rien n’est jamais acquis. Cela nous stimule pour avancer. Cela nous a poussé à anticiper la forte croissance du bio en créant notre propre moulin bio et notre unité de fabrication sur meule de pierre en 2008. En 2010, nous avons doté notre moulin de nouvelles installations plus modernes et encore plus sûres. Pour prendre un exemple, notre moulin bio est doté d’un trieur optique ultra-sensible car le blé bio nécessite d’être mieux contrôlé pour éviter des impuretés dues au fait qu’il est moins traité.

Actuellement nous avons un nouveau chantier sur notre site de production : nous augmentons nos capacités de stockage des céréales et des farines biologiques pour anticiper la croissance de ce marché, et les projets ne manquent pas.

 

Quel est le rôle d’un Moulin aujourd’hui et quelle est la position des Moulins Bourgeois sur le marché français, européen, mondial ?

 

David Bourgeois : En amont, nous demeurons une « industrie » de transformation de matières premières agricoles. À ce titre, nous sommes très proches de questions liées à l’environnement et partant de là, à un mieux-être alimentaire. Nous utilisons de manière croissante des blés pour nos farines Label Rouge pour avoir la garantie qu’ils ne reçoivent aucun pesticide de conservation après récolte, et le développement de notre activité bio nous permet de rencontrer des acteurs qui nous sensibilisent plus encore dans notre action. C’est ainsi que nous avons initié des accords avec des producteurs situés à proximité du moulin pour cultiver des blés issus de semences paysannes. De manière générale, tous nos approvisionnements en blés proviennent de notre région ou de départements limitrophes.

En aval, notre rôle est d’accompagner toujours mieux la boulangerie artisanale dans sa diversité qui est une de ses richesses. Cela nous conduit à agir de manière très personnalisée, par exemple lorsqu’un artisan s’installe. Depuis quelques années nous avons mis l’accent sur la formation en organisant dans notre moulin ce que nous appelons les « Stages Bourgeois », aussi bien en fabrication pour encourager le 100% fait maison qu’en management ou en gestion. Plus de 350 stagiaires par an, patrons ou ouvriers, sont accueillis chaque année.

Nous considérons aussi que même sur un marché en apparence aussi immuable que le pain, notre rôle est d’innover. Face à la concurrence des chaînes de boulangeries ou de la grande distribution, nous devons donner à nos clients la possibilité d’aller aussi de l’avant avec des produits attrayants et des recettes que nous mettons à leur disposition.

A l’international nous avons commencé par nous développer grâce à des boulangers français installés à l’étranger, en recherche de farines de qualité. Progressivement, l’effet boule de neige de boulangers travaillant avec nos produits, les salons professionnels, notre présence sur internet a fait de nous un exportateur même si nous restons un acteur modeste. Nous disposons désormais d’une structure dédiée et nous pensons que notre dimension d’entreprise familiale de taille moyenne est un atout pour promouvoir notre image de qualité et de sérieux.

 Quelles sont les particularités des Moulins Bourgeois ? (Types de farine, processus de production, stratégie de distribution…)

 

David Bourgeois : Pour satisfaire une clientèle riche de sa diversité, nous avons une gamme parmi les plus larges du marché. Qu’il s’agisse de nos farines brutes, de celles prêtes à l’emploi et bien sûr de nos farines biologiques, notre processus de production garantit la naturalité de nos produits. De fait sur notre marché, plus les installations sont modernes plus nos équipes ont les moyens de s’occuper de l’essentiel, c’est-à-dire de la qualité de la production. Chaque chargement de blé fait l’objet d’un contrôle dont nous conservons la trace, et nos farines sont systématiquement testées dans notre fournil dédié aux essais de panification et dans notre laboratoire. C’est également dans ce fournil que nous procédons à la création de nouvelles recettes. Curieux du monde qui nous entoure et de ses évolutions, il est important de pouvoir apporter à la boulangerie artisanale des solutions et des idées qu’elle n’a pas toujours les moyens de mettre seule en œuvre.

Soucieux d’être au plus près des artisans, nous sommes un des rares moulins à conserver en interne notre propre service de livraison avec nos camions et notre équipe de livreurs. Ils sont auprès des boulangers nos premiers ambassadeurs et illustrent bien notre culture du service.

Ainsi, en termes de fabrication comme en termes de distribution nous appliquons à nous-mêmes ce que nous recommandons à nos clients, le 100% fait maison !

 

 

Quelles sont les grandes pistes d’innovation sur ce marché (et les dernières en date) ? 

 

David Bourgeois : Ce qui préside de manière immuable c’est le goût ! Si c’est bon, toutes les innovations sont possibles, et nous en avons encore la démonstration avec les « Carrés Bourgeois », des pains produits dans des moules de petite taille adaptés à la consommation d’aujourd’hui.

La recherche de simplicité dans la qualité, le produit vrai et l’ingrédient de qualité font partie des tendances qui sont fortes. C’est sur cette base que sont conçus nos stages de petite restauration (autre tendance forte) ou de produits sucrés. Une bonne part de l’avenir de la boulangerie artisanale s’inscrit dans cette tendance.

Par ailleurs, nous sommes sensibles aux évolutions de la société, notamment à celle des produits « sans ». Nous avons développé des pains sans farine de blé et nous pensons que l’axe mieux-être est riche d’avenir pour notre marché.

Enfin, il est d’usage dans notre profession de parler de « premiumisation » de la boulangerie artisanale, stimulée par l’intérêt du consommateur pour son alimentation, voire la gastronomie, mais aussi par le renouveau de la profession, notamment les boulangers dits « reconvertis » venus d’autres univers professionnels. L’accent que nous mettons dans nos stages sur l’usage du levain nourrit également l’envie de nombreux artisans d’accéder à du mieux.

Dans ce cadre, la mission du moulin est de permettre à tous les boulangers d’accéder à du mieux.

Y a-t-il quelques petites choses à savoir sur les spécificités des farines ? leurs éventuelles vertus ? 

 

David Bourgeois : Ce qu’on peut dire ici et nous le constatons tous les jours avec nos clients, c’est que par la seule vertu de l’usage de l’eau, de la farine d’un peu de levure et de levain, la boulange’ reste un univers de créativité et de saveurs sans fin. Nos 6 boulangers-conseils œuvrent chaque jour dans ce sens. Ils savent qu’en matière de boulangerie l’exigence de qualité passe le plus souvent par la simplicité la plus grande.

 

Les Moulins Bourgeois en quelques dates :

 

  • 1895 : Léon Bourgeois et ses frères font l’acquisition du Moulin de Couargis.
  • 2005 : La direction du moulin est confiée à David et Julien Bourgeois.
  • 2006 : refonte et agrandissement de l’outil logistique.
  • 2008 : Création sur le site de Verdelot d’un moulin à meules de pierre dédié à toutes nos fabrications de farines de meule et de farines bio. Nous faisons partie du très petit nombre de moulins qui maîtrise l’intégralité de leur production.
  • 2009 : Achèvement de la restauration du vieux moulin de Couargis avec la remise en eau de la roue centenaire.
  • 2010 : Réhabilitation complète de notre moulin principal doté désormais d’un outil de production parmi les plus modernes et performants d’Europe.
  • 2011 : Constitution d’un corps de bâtiment dédié aux stages doté d’un fournil de formation, d’un laboratoire de pâtisserie et d’un espace de vente en condition réelle.
  • 2012 : Obtention de l’ISO 22000, la norme la plus exigeante en termes de sécurité et d’hygiène alimentaires.
  • 2013 : Développement de notre offre de formation désormais nommée les « Stages Bourgeois ».
  • 2015 : Configuration de l’ensemble de l’outil logistique aux sacs de 25 kilos ; suppression des contenants supérieurs à ce poids.